Qu'est-ce qu'un point de vue ?

Regardons dans un dictionnaire. On découvre qu'un point de vue, c'est :

- un endroit qui permet d'avoir la meilleure vue possible,
- une manière particulière d'envisager les choses, un angle de vue,
- une opinion, un avis.

Ainsi selon l'endroit où nous nous trouvons, nous ne voyons pas la même chose, ce qui modifie notre analyse de la situation.

Approche de la notion

Prenons un exemple de situation : le début d'un incendie dans une cuisine.

Façon n°1 de raconter cette situation : on se place du côté d'un personnage. Un adolescent se trouve dans sa chambre en début d'après-midi. Il est seul dans l'appartement. Soudain il sent une odeur de brûlé. Il se précipite dans la cuisine et constate qu'une casserole a été laissée sur une plaque de cuisson allumée. Elle est en train de prendre feu.

Façon n°2 de raconter cette situation : on se place du côté d'un personnage. Un pompier reçoit un appel affolé de la part d'un adolescent. Ce dernier explique qu'une casserole a pris feu dans la cuisine. Le pompier donne des consignes par téléphone à l'adolescent. L'équipe se prépare ensuite pour intervenir sur place.

=> Ces deux manières de narrer l'histoire adoptent le point de vue d'un personnage, c'est-à-dire un point de vue du narrateur interne.

Façon n° 3 de raconter cette situation : on sait tout. Un adolescent découvre la casserole en flammes. Pendant ce temps, le pompier discute avec ses collègues. C'est une nouvelle recrue, son premier jour de service. L'adolescent téléphone à la caserne et explique que le feu se propage dans la cuisine. Le lecteur apprend alors qu'il s'agit du troisième incendie se déclarant dans cet immeuble au cours des vingt dernières années.

=> Cette manière de narrer l'histoire adopte un point de vue général qui domine la situation, c'est-à-dire un point de vue du narrateur omniscient.

Façon n°4 de raconter cette situation : on ne sait rien. Des flammes. Une odeur de brûlé. Un adolescent fronce les sourcils. Il est seul dans sa chambre. Il marche dans le couloir. Il ressort affolé de la cuisine et prend son téléphone.

=> Cette manière de narrer l'histoire adopte un point de vue étrange, comme si on refusait de donner des indications au lecteur. C'est un point de vue du narrateur externe.

Comment repérer un point de vue du narrateur ?

L'écrivain a donc le choix entre 3 points de vue du narrateur. Bien sûr, chaque point de vue a ses avantages. L'écrivain peut ainsi avoir envie de changer le point du vue du narrateur au cours du récit : d'un chapitre à l'autre ou bien même d'un paragraphe à l'autre à l'intérieur d'un même chapitre. Il peut aussi faire le choix d'un seul point de vue du narrateur du début jusqu'à la fin de son roman.

En tant que lecteur, on repère les différents points de vue en étant attentif à ce qui nous est présenté. Voit-on les choses à travers les sens d'un personnage ? A-t-on accès aux pensées de ce personnage mais pas à celles des autres ? A-t-on l'impression que le narrateur connaît tout l'historique de chaque événement, chaque lieu ?

Le point de vue interne

Le point du vue interne est un point de vue qui vient de l'intérieur : même si aucun personnage ne sert de narrateur et ne dit "je" pour raconter l'histoire, le lecteur a l'impression de suivre l'un d'eux en particulier. Cela signifie que c'est à travers ce personnage, à travers son regard, ses déplacements, ses sensations, ses pensées et ses sentiments, que le lecteur découvre les événements. Ce peut être par exemple un inspecteur qu'on suit au cours d'un roman policier. Le lecteur s'imagine mener l'enquête à ses côtés. Il a accès aux pensées de ce personnage, il se déplace avec lui. Bien entendu, on trouvera souvent du discours indirect libre dans ce type de point de vue. En résumé, en point de vue interne, le lecteur vit au rythme d'un personnage. Il voit avec ses yeux, pense avec lui, etc.

Le point de vue omniscient

Le point de vue omniscient (du latin « omni scio » = je sais tout) est un point de vue maximal. Le narrateur ressemble à l'écrivain : il sait tout sur tout le monde, il voit tout. Les repères spatio-temporels peuvent être multiples et très précis car le champ de vision est sans limite. Le narrateur omniscient peut fournir toutes les indications possibles sur le passé, le caractère, la vie et les pensées de tous les personnages de l'histoire mais aussi raconter ce qu'il se passe à différents endroits, donner l'historique d'un lieu, etc. En résumé, en point de vue omniscient, le lecteur en sait plus que les personnages, comme l'écrivain. Il voit tout, il sait tout.

Le point de vue externe

Le point de vue externe est un point de vue qui semble placé en observateur, à l'extérieur du récit. Le narrateur externe ne sait rien. Il n'est pas un personnage mais une sorte d'objet comme une caméra qui filme, qui montre mais qui n'explique rien. Le lecteur suit donc l'histoire comme un nouveau venu ignorant de tout qui découvre sans cesse des choses car il n'est au courant ni de l'identité des personnages ni des raisons de leurs comportements ni de ce qu'il s'est passé auparavant ni même parfois du lieu où on se trouve, etc. Souvent le narrateur externe ne témoigne d'aucune impression personnelle. Il paraît découvrir, sans le comprendre vraiment, ce qu'il relate. Son champ de vision est réduit, les repères spatio-temporels sont limités ou inexistants. Le point de vue externe permet ainsi d'intriguer le lecteur et l'oblige à être actif. Il est fréquemment employé dans les romans des années 1950 (appelés « Nouveaux Romans »). Il est aussi utilisé dans d'autres types de romans, à d'autres époques : au début des romans policiers par exemple, souvent associé avec une entrée « in medias res ». En résumé, en point de vue externe, le lecteur a très peu d'informations et en sait moins que les personnages. Il assiste aux scènes, découvre les faits comme les gens et cherche à comprendre.