La littérature est source de plaisir pour le lecteur.

 

Lire un roman constitue un bon moyen de s'évader, de découvrir de nouveaux horizons et de vibrer au rythme d'un personnage.

 

Cependant on peut aussi s'intéresser à un roman en l'étudiant.

 

Souvent, l'étude permet d'ailleurs de regarder autrement ce roman et de l'apprécier davantage ! Mais comment procède-t-on pour analyser un roman ?

 

Méthode

Analyser un roman, comme analyser une nouvelle, cela revient à mener une étude de récit.

 

ll faut être particulièrement attentif au contenu et à sa forme.

 

On étudie l'histoire, les personnages, leur comportement... Mais on se doit d'être attentif aussi à la structure du roman, à son rythme, au point de vue du narrateur et au narrateur lui-même.

L'intrigue et les personnages

En deux mots, car ici l'article s'intéresse plutôt à l'aspect technique et stylistique...

 

Toutefois, c'est évident : pour mener correctement une analyse de roman, il faut étudier dans le détail les personnages, les dialogues et leurs comportements, s'ils évoluent ou non dans le roman...

 

On observe les noms, à savoir l'onomastique. On cherche aussi à comprendre les relations que ces personnages entretiennent entre eux.

 

Côté intrigue, l'analyse porte bien sûr sur l'histoire, la qualité et le nombre de rebondissements, l'adéquation du traitement par rapport au genre : policier, science-fiction, etc.

Identification du narrateur

Pour étudier un roman, la première étape est d'identifier le narrateur.

 

Autrement dit, de répondre à cette question tout simple : qui raconte l'histoire ?

 

À ce propos, il parait judicieux de donner quelques précisions de vocabulaire.

  • Le narrateur : à ne pas confondre avec l'auteur ni le personnage

L'auteur

Pour rappel, l'auteur d'une oeuvre est celui qui la crée.

 

C'est un écrivain : une personne réelle dans la vie de tous les jours.

Le personnage

Le personnage, lui, est une personne qui n'existe pas. C'est un être imaginaire qui est présent à l'intérieur d'une histoire.

 

Même si le récit raconte une expérience réellement vécue, par exemple s'il s'agit d'une biographie ou d'un roman historique, la personne, dès lors qu'elle apparaît dans un récit, devient un personnage.

 

En effet, ses paroles et son comportement sont contrôlés par l'auteur.

  • Le narrateur : celui qui prend en charge le récit de l'histoire

Le narrateur est celui qui raconte l'histoire dans le roman.

 

Ce n'est plus vraiment l'auteur car la personne réelle se met à jouer un rôle, se plaçant dans une situation de conteur, qu'il fige à jamais à travers l'écriture.

 

C'est pourquoi on ne le nomme pas "auteur" mais "narrateur".

Le narrateur - personnage

Dans certains romans, celui qui raconte l'histoire est clairement un personnage.

 

Il rapporte les événements en disant "je", comme s'il témoignait de sa propre expérience. Le narrateur est alors un personnage inventé qui est à la fois personnage - acteur de l'histoire et personnage - narrateur, conteur de l'histoire.

Le narrateur anonyme

Quand celui qui raconte l'histoire n'est pas clairement identifié, on se contente de le nommer le narrateur.

La structure du récit

  • Le début du roman

Le début d'un récit se nomme un incipit.

 

Cela concerne les premières lignes ou le premier paragraphe, la première page... Rien ne définit exactement le volume de phrases désigné par l'incipit !

 

Ce mot vient du verbe latin "incipere" qui signifie commencer. 

 

L'incipit donne au lecteur les premiers repères pour sa lecture à venir : cadre spatio-temporel, personnages, intrigue, genre littéraire et tonalité.

 

L'équivalent au théâtre se nomme une scène d'exposition.

  • L'enchaînement des événements

Concernant la structure d'un roman, l'écrivain a le choix entre différents moyens pour mener son histoire.

 

Le romancier peut suivre un ordre chronologique, ce qui semble évidemment le plus logique.

 

Pourtant il peut aussi choisir de proposer une construction de récit plus complexe.

Ordre chronologique

Un récit qui suit un ordre chronologique raconte les événements selon la progression du temps qui passe. 

 

Le narrateur respecte alors le schéma narratif traditionnel.

Le schéma narratif

Il se compose d'une situation initiale : on pose le décor, on présente les personnages et leur cadre de vie.

 

Cette situation initiale est ensuite bouleversée ensuite par un élément. Celui-ci est appelé élément perturbateur ou élément déclencheur. Il perturbe l'équilibre de la situation initiale.

 

Puis l'histoire se déroule, avec ses péripéties. L'ensemble forme alors l'intrigue à savoir l'intérêt du récit et lui donne sa dynamique.

 

Le tout se clôt en un dénouement : c'est la fin du récit, menant à une situation finale.

Intérêt de l'ordre chronologique

À travers le schéma narratif traditionnel, le lecteur découvre les événements de l'histoire au fur et à mesure, tels qu'ils se déroulent.

 

Ce choix favorise l'effet d'attente, le suspense mais aussi la compréhension de l'histoire racontée.

Bouleversement de l'ordre chronologique

Le narrateur peut décider de bouleverser la chronologie des événements.

 

Il peut faire ainsi des retours en arrière, c'est-à-dire revenir dans le passé, ou bien des anticipations, c'est-à-dire annoncer à l'avance des événements qui vont se produire dans les pages suivantes.

 

Il peut aussi décider de plonger dès le début le lecteur en plein coeur de l'histoire.

Intérêt d'un bouleversement de l'ordre chronologique

D'une manière générale, tout ce qui brouille la chronologie entretient le trouble mais aussi le plaisir du lecteur.

 

Les romans policiers et fantastiques utilisent donc souvent ces procédés.

Le récit rétrospectif

Un récit qui s'intéresse à des faits antérieurs à la situation de narration se nomme un flash back au cinéma et est appelé récit rétrospectif en littérature.

 

Les retours en arrière servent souvent à expliquer la situation présente. 

 

C'est un procédé de bouleversement de l'ordre chronologique très courant en littérature.

L'anticipation

L'anticipation s'inscrit à l'opposé du récit rétrospectif.

 

L'ancicipation est une phrase, voire un passage entier, qui annonce des événements futurs, postérieurs à la situation de narration.

 

Grâce aux anticipations, le narrateur pique la curiosité du lecteur : il crée chez lui une attente.

Le début in medias res

Ce procédé de bouleversement de l'ordre chronologique est très fréquent.

 

In medias res est une expression latine et signifie "au milieu des choses".

 

C'est une technique narrative qui consiste à faire commencer le récit au cœur de l'intrigue.

Intérêt d'un début in medias res

Ceci plonge d'emblée le lecteur dans l'histoire.

 

Le narrateur rend ainsi son récit plus vivant que s'il employait plusieurs phrases d'exposition de la situation initiale.

 

Il y a recours par exemple quand le sujet s'avère long à expliquer ou bien que les personnages à introduire sont nombreux.

 

Tous les éléments de l'histoire seront alors présentés au lecteur au cours du récit, par des allusions semées çà et là ou par une série de retours en arrière.

  • Repères et absence de repères

Le choix de l'écrivain

L'écrivain doit normalement faire en sorte que le narrateur soigne les indications de date, de durée, de fréquence.

 

Ainsi le narrateur doit situer clairement les événements les uns par rapport aux autres pour favoriser la compréhension du récit par le lecteur.

 

S'il ne le fait pas, c'est évidemment volontaire et il convient d'étudier ce choix.

 

Celui qui veut étudier un roman doit alors se poser la question : pourquoi l'auteur brouille-t-il les pistes ? Quel effet cherche-t-il à créer ?

Exemple : L'étranger d'Albert Camus (XXe siècle)

Albert Camus, dès le début de son roman L'Étranger, fait en sorte de brouiller les repères pour que le lecteur soit perdu.

 

De façon indirecte, Camus fait comprendre par ce moyen au lecteur que son personnage - narrateur est un homme en proie à une grande confusion.

 

Parce qu'il raconte mal son histoire, dès le début, de façon confuse et maladroite, le lecteur saisit que le personnage-narrateur est un être fragile qui n'arrive pas à clarifier ses pensées.

 

La confusion de repères, voulue par l'auteur, crée donc un effet intéressant qu'il convient de prendre en compte dans une lecture analytique.

  • Les récits enchâssés

Parfois, un récit peut contenir d'autres récits.

 

Ils s'imbriquent à l'intérieur du récit principal.

Récit cadre

Quand il y a des récits enchâssés, le premier récit ou récit principal, est appelé récit cadre.

Récit encadré

Le deuxième, contenu dans le premier, se nomme un récit encadré. 

 

Le récit encadré est souvent un récit rétrospectif.

 

Le narrateur interrompt alors son récit en cours pour rapporter des faits antérieurs, par exemple un souvenir de jeunesse. 

 

Parfois ce récit encadré est pris en charge par un nouveau narrateur : un autre personnage que le personnage-narrateur habituel raconte par exemple une histoire qui lui est arrivée ou une anecdote.

Le rythme du récit

Le narrateur ne peut pas tout dire dans le détail ! Il doit faire des choix et peut procéder, au cours du roman à une accélération du rythme du récit.

 

Ainsi certains épisodes seront évoqués très rapidement, par exemple avec un enchaînement de verbes au passé simple.

  • L'ellipse narrative

Il arrive que le narrateur ne parle pas de certaines périodes de l'histoire qu'il raconte. C'est l'ellipse narrative.

 

Une ellipse narrative correspond en effet à la mise sous silence d'un moment de l'histoire.

 

Ces ellipses narratives peuvent avoir une simple utilité pratique : le narrateur ne s'attarde pas sur des événements sans importance pour la suite de son récit.

 

Elles peuvent aussi délibérément taire un épisode important qu'on révélera plus tard au lecteur, pour le surprendre.

  • Le ralentissement du récit

Pour certains passages, le narrateur peut au contraire délibérément s'attarder sur des faits, gestes ou périodes afin de ralentir le récit.

 

Le ralentissement du ryhme du récit correspond au développement particulièrement long d'une scène qui ne durerait pourtant pas très longtemps dans la vie réelle.

 

Le narrateur utilise alors une description détaillée, notamment en employant des verbes à l'imparfait pour un récit au passé.

 

Notons aussi que le récit encadré sert également, par sa simple présence, à ralentir la progression du récit cadre.

Le point de vue du narrateur

  • Définition d'un point de vue

D'une manière générale, si on regarde dans un dictionnaire, on constate que la notion de point de vue est multiple.

 

Le mot désigne en effet à la fois un endroit, une manière de voir et une opinion.

L'endroit

À l'origine, un point de vue est un endroit où on se place pour voir un objet le mieux possible. Ou bien un endroit d'où l'on jouit d'une vue étendue, pittoresque.

 

C'est donc l'équivalent d'une vue, d'un panorama.

L'angle de vue

Cet endroit implique une manière particulière de considérer le paysage.

 

Le point de vue devient alors un angle de vue.

L'opinion

Cet angle de vue amène une considération subjective du paysage.

 

Le point de vue correspond alors à un avis, une opinion particulière.

 

Ainsi, d'un endroit particulier, on a une vision physique particulière qui entraîne une façon particulière de voir les choses et par conséquent un avis particulier.

  • Définition du point de vue du narrateur

L'écrivain choisit comment il raconte l'histoire.

 

Il décide de l'angle de vue et de la manière de voir cette histoire : il décide du point de vue du narrateur.

  • Le choix du point de vue du narrateur

L'écrivain dispose de trois points de vue du narrateur différents.

 

Bien sûr, chaque point de vue a ses avantages.

 

L'écrivain peut donc changer le point du vue du narrateur au cours du récit et même d'un paragraphe à l'autre.

 

Il peut aussi faire le choix d'un seul point de vue du narrateur du début jusqu'à la fin de son récit, mais c'est plus rare.

  • L'identification du point de vue du narrateur

En tant que lecteur, on peut repèrer de quel point de vue du narrateur il s'agit en observant les repères spatio-temporels.

 

Selon s'ils sont variés ou non, précis ou non, on sera en présence de tel ou tel point de vue du narrateur.

 

Il faut aussi observer les indications que le texte donne à propos des personnages.

 

Là encore, selon si ces indications sont précises ou non, portant ou non sur plus ou moins de personnages, on sera en présence de tel ou tel point de vue du narrateur.

 

En résumé, on se demande qui nous raconte le paragraphe concerné et on cherche des indices.

  • Le point de vue du narrateur interne

Le point du vue interne est un point de vue qui vient de l'intérieur : c'est un personnage de l'histoire qui sert de narrateur et raconte l'histoire.

Le piège

Attention, très important : ceci peut être le cas, même si ce narrateur ne dit pas « je » !

Les indices

C'est à travers ce personnage que le lecteur découvre les événements.

 

Le lecteur a ainsi accès à certaines pensées de ce personnage, à ses sentiments, à ses connaissances et à sa vision des choses, qui est forcément limitée.

 

Les repères spatio-temporels sont ceux connus par le personnage-narrateur. Le champ de vision est seulement celui de ce personnage.

 

Ce champ évolue au fur et à mesure des déplacements de ce personnage.

 

Des indications peuvent être données sur d'autres personnages mais elles sont réduites à la connaissance qu'en a le narrateur interne.

 

Bien entendu, on trouvera souvent du discours indirect libre dans ce type de point de vue.

 

En résumé, en point de vue interne, le lecteur en sait autant que le personnage - narrateur interne : ni moins ni plus. Il vit à son rythme, voit avec ses yeux, pense avec lui, etc.

  • Le point de vue du narrateur omniscient

Le point de vue omniscient vient du latin « omni scio » qui signifie "je sais tout".

 

C'est un point de vue qui vient de partout.

 

Le narrateur ressemble à Dieu ou du moins à l'écrivain : il sait tout de l'histoire et des personnages, il voit tout.

 

Les repères spatio-temporels peuvent être multiples et très précis car le champ de vision est maximal.

 

Le narrateur omniscient peut fournir toutes les indications possibles sur le passé, le caractère, la vie et les pensées de tous les personnages de l'histoire. Avec lui, le lecteur peut donc bien comprendre l'histoire.

 

En point de vue omniscient le narrateur peut faire le choix de raconter sans jamais faire de commentaire ; il adopte alors un ton neutre.

 

Il peut aussi choisir un ton personnel et faire de petits commentaires, souvent pour créer une sorte de connivence avec le lecteur.

 

En résumé, en point de vue omniscient, le lecteur en sait plus que les personnages, comme l'écrivain. Il voit tout, sait tout, peut se trouver à plusieurs endroits différents au même moment et à différentes époques.

  • Le point de vue externe

Le point de vue externe est un point de vue qui semble placé en observateur, à l'extérieur du récit.

 

Le narrateur externe ne sait rien.

 

Il n'est pas un personnage mais une sorte d'objet comme une caméra qui filme, qui montre mais qui n'explique rien.

 

Le lecteur suit l'histoire tel un nouveau venu ignorant qui découvre sans cesse des choses car il n'est au courant ni de l'identité des personnages ni des raisons de leurs comportements ni de ce qui s'est passé auparavant ni même parfois du lieu où on se trouve, etc.

 

Souvent le narrateur externe ne témoigne d'aucune impression personnelle. Il paraît découvrir, sans le comprendre vraiment, ce qu'il relate.

 

Son champ de vision est réduit, les repères spatio-temporels sont limités ou inexistants. Le point de vue externe permet ainsi d'intriguer le lecteur et l'oblige à être actif.

 

Il est fréquemment employé dans les romans des années 1950 appelés « Nouveaux Romans ».

 

Il est aussi utilisé dans d'autres types de romans, à d'autres époques : au début des romans policiers par exemple, souvent associé avec une entrée « in medias res ».

 

En résumé, avec un point de vue externe, le lecteur a très peu d'informations.

 

Il assiste aux scènes, découvre les faits, découvre des personnages qui sont des inconnus et cherche à comprendre.

Le style d'écriture

De plus, on doit bien sûr observer avec minutie le style de l'auteur : le vocabulaire qu'il emploie, sa façon de rédiger les phrases, etc.

La portée du roman

Enfin on n'oubliera pas de s'interroger sur la portée de ce roman. Cette question est essentielle à aborder.

  • Place du roman dans l'oeuvre de l'écrivain

Que signifie cette oeuvre aux yeux du romancier ?

Pour lui

Est-ce une façon de témoigner d'une expérience vécue, de mieux comprendre son propre parcours personnel ?

Pour les autres

Est-ce un moyen de faire réfléchir ses contemporains à un problème de société ?

 

Ou bien a-t-il voulu simplement les distraire ?

  • Place du roman dans l'histoire littéraire

Il est intéressant de s'interroger sur la place d'un roman au sein de la littérature.

 

Est-ce un roman qui a marqué les esprits ?

 

Les personnages sont-ils des stéréotypes et sont-ils entrés dans la culture commune voire le langage courant ?

 

Ce roman fait-il penser à d'autres romans ? Est-ce une reprise ou bien a-t-il inspiré d'autres romanciers, par son contenu ou son style ?

 

Dans le cas d'un grand classique, on peut se demander aussi pourquoi on l'étudie en classe.

 

S'il s'agit d'un extrait, il faut s'interroger : pourquoi avoir donné cet extrait à étudier ? Est-ce un passage connu, qui est considéré comme important dans l'histoire de la littérature ?

 

Enfin une remarque : un grand classique mérite souvent plusieurs lectures !

 

 

Dernière relecture de cet article : 30/04/2021

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